Wednesday, June 02, 2010

Incipits finissants (11)

Zut ! Le travail me botte toujours autant. J’éprouve même un dévouement sans limite pour l’objet du travail, organiser des séminaires pour sourds et muets comme sculpter un corps féminin dans du noyer. Et lorsque mon chef se repose sur moi de sa grosse masse graisseuse, je ne le vois plus tellement il est énorme. Pour parfaire son œuvre, au demeurant déjà si belle, je rentre tard, utilisant toutes les lumières à ma portée, achetant des ampoules de fort voltage.

Ma science finit par sauter aux yeux de tous mes collaborateurs. Comme je suis vraiment sympathique et que je fais de réguliers rapports à mon chef au sujet de son plafond à la Sixtine, il m’attribue en récompense tel un suzerain à son vassal cet appartement de fonction, avec vue sur la mer, terrain de golf à portée de tige, restaurant sur péniche, parc pour les gentils enfants.

Je reste ébahi durant des jours devant mon bonheur. Après tout, ce nouveau bureau me paraît fort mérité , au regard du travail accompli pour le boss. 
Peu de temps après, le gros disparaît subtilement d’une crise cardiaque. Je prends tout naturellement sa place. Ce qui m’est dû m’est dû, je n’en démords pas. J’ai sous ma direction un staff de 50 exécutants que je surveille attentivement, de crainte que l’un d’eux ne tire au flanc et pique dans la caisse. Le jour, je me prélasse dans mon appartement en terrasse, invitant des hôtesses libidineuses à venir partager le fruit détendu. Avec le bénéfice réalisé par mon groupe, je m’achète un bolide fendant l’air de pollution. Voici qu’une nuit même, je leste mes vieilles bottes en canot à moteur avant de mettre sous verre ma faucille, mes pin’s, le manifeste des égaux, les écrits révolutionnaires d’Anarchasis, les déclarations de Ravachol, contemplant ces chefs d’œuvre de la révolte avec un plaisir dissimulé.
Moralité : toujours tout recommencer depuis le début.


P.M.

1 comment:

Anonymous said...

Cher Patrice Maltaverne, ici Aurélien Perret du bout des doigts... Je vie bien oui, et j'ai le cœur qui s'emballe a chaque fois que je déchire la bave aux lèvres l'enveloppe contenant la revue, vous avez bien deviné ! Je vous demande pardon pour tout ce silence, mais j'avoue être assez mal organisé dans tout ce qui constitue mon emploie du temps ! Bref, bravo pour votre effort de poézine et a bientôt ! Bien cordialement, A Perret.

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